Village polonais situé à la frontière
avec lUkraine, il a sûrement été choisi par les
nazis pour son isolement et son accès ferroviaire :
Belzec est situé le long de la ligne de chemin de fer
Lublin-Lvov. 
© Jack Hazut http://www.jewishvirtuallibrary.org/jsource/Holocaust/belz2.html
Il fut lun des premiers camps
dextermination, devenant même le modèle pour ceux
de Treblinka et de Sobibor, mais surtout un camp
expérimental où furent mises au point les techniques
détouffement par le gaz, généralisées à
Auschwitz.
« Au bout de la rue principale de ce village, à cinq
cent mètres de la gare, fut construit entre le mois de
novembre 1941 et le mois de mars 1942, le premier des
trois camps dextermination, avec ceux de Treblinka
et de Sobibor, de lAktion Reinhard, le
plan nazi dextermination des Juifs du Gouvernement
général (territoires de la Pologne occupée). » [1]
« Chronologiquement le premier camp
dextermination, Belzec fut aussi lun des
premiers détruits et, avec lui, les traces du génocide
industrialisé des Juifs et les témoignages de ce
meurtre de masse. » [2]
Le cas de Belzec est assez particulier puisque les Nazis
ont tenté deffacer toutes les preuves de « leurs
usines à mort » [3].Toutefois,
malgré leurs efforts, ils ne réussirent pas à faire
disparaître toutes les preuves matérielles du génocide
des Juifs.
Cette tentative deffacement des traces a été
renforcée par le peu de survivants dont seulement deux
ont témoigné, Rudolf Reder et Haïm Hirszman.
La question sest très vite posée de ce que devait
devenir le lieu : comment faire quand il ny a plus
rien à voir, plus personne à entendre ?
« Dès la Libération, les discussions mélangeaient des
considérations politiques immédiates et les projets
mémoriels des rescapés qui voulaient conserver ces
témoignages de la barbarie humaine. » [4]
La concurrence des victimes, comme à dautres
endroits, a ralenti lavancement dune
quelconque commémoration. Tandis que dans le camp de
Majdanek, près de Lublin, libéré en 1944 par les
troupes soviétiques, les autorités installèrent dès
la fin de lannée 1944 le premier musée
dÉtat dune telle envergure.
Dans les années 1960, alors que toute la structure du
camp est absente, le gouvernement de lépoque fait
poser autour du camp de Belzec une clôture et érige un
monument à la mémoire des « martyrs de
lhitlérisme », terminologie communiste qui
laissait entendre que les personnes exterminées dans ce
camp étaient mortes dans leur combat contre le fascisme.
Puis il fallu attendre 1994 pour quune plaque soit
apposée à lentrée pour chiffrer le nombre
dhommes, femmes et enfants exterminés à Belzec
parce quils étaient juifs. Enfin vers la fin des
années 1990 sest mis en place un projet de
mémorial autour de trois sculpteurs polonais (Andrzej
Solyga, Zdzislaw Pidek et Marcin Roszczyk).
Les concepteurs du mémorial ont voulu traiter le lieu
comme un cimetière : comme le souligne J.Y Potel « ils
ont cherché une « forme qui puisse honorer les morts,
les vénérer, tout en respectant leur tradition, la
culture et la religion dans lesquelles eux et leurs
ancêtres ont vécu. » » [5].
Ils ont donc choisi un espace rectangulaire de 230
mètres de large et de 180 mètres de haut pour
représenter une immense tombe, dautant plus
véridique quelle contient de réelles fosses
communes. Sur cet espace, ils ont déposé à la surface
des pierres grises et noires provenant de combustion de
fer.
Le tour de ce rectangle est composé dune
dalle/bande de béton brut sur laquelle sont inscrits les
noms des villes et villages dorigine des victimes
en polonais, hébreux et yiddish. Le choix a été
délibérément fait dopter pour des lettres de fer
volontairement rouillées.

Une partie du monument © Panstowe
Museum na Majdanku
Une allée dessinée dans ce rectangle mène à un mur
où ont été inscrits des prénoms de personnes ayant
été déportées dans ce camp. Bien que les recherches
rendues difficiles sur ce site par le manque de
témoignages naient permis de recenser que 500 des
victimes de ce camp, la démarche se voulait véridique,
pour être plus symbolique.
Cette allée correspond au chemin quempruntaient
les déportés pour aller aux chambres à gaz.

© Panstowe Museum na Majdanku

Aboutissement de lallée sur
le mur des noms
© Panstowe Museum na Majdanku
Robert Kuwalek a été nommé responsable du mémorial
dès 2003 par le directeur du musée de Majdanek. Il
prend très au sérieux cette nomination à la tête de
lensemble de Belzec et y assure la mise en place de
nombreuses initiatives. Il a notamment interrogé la
plupart des Juifs rescapés encore vivants et a réuni la
documentation originale sur le camp de Belzec lors
dun séjour en Allemagne.
Pour lui, le monument est fondé sur une symbolique, dans
ce cas celle du cimetière, et non sur une construction
monumentale, ce qui le rapprocherait du monument de
Berlin aux Juifs assassinés dEurope.
Il souligne la différence dépoque notable entre
les premiers mémoriaux et celui-ci.
« Nous commémorons des personnes, pas des chambres à
gaz » ; lapproche est particulièrement
différente de celle dun mémorial tel que celui
dAuschwitz.
Le seul élément dorigine pourrait être les rails
empilés les uns sur les autres évoquant la rampe et les
bûchers.

A la fin du massacre, les corps
enterrés sont exhumés et brûlés sur des bûchers
faits de rails de chemins de fer.
© Panstowe Museum na Majdanku
Le mémorial, comme le monument berlinois aux Juifs
assassinés dEurope, est associé à un musée
tentant de relater tant bien que mal lhistoire de
ce camp, sans vestiges ni témoins.
A Belzec, la réception de cet ensemble fut très
mitigée : entre ceux qui avaient collaboré avec les
nazis et ceux qui avaient des sentiments ambigus à
légard du camp (comme on peut le noter dans le
film de G. Moscovitz), seuls quelques uns soutenaient ce
type daction.
Le musée-mémorial de Belzec reste à lécoute de
la population et noublie pas sa mission de
transmission : des concours sont montés avec les
scolaires sur la commémoration de lHolocauste
(chaque établissement envoie des travaux délèves
qui peuvent être amenés à être exposés, comme des
interviews de grands-parents, des poèmes, des articles,
des uvres artistiques
), des formations pour
les enseignants sont organisées
Je souhaiterais conclure par ces mots de J.Y Potel :
« La forme la plus aboutie et la plus intéressante
[
] est incontestablement le nouveau mémorial
inauguré en 2004 à Belzec. Il a remplacé les monuments
de 1963. Par sa conception esthétique uvre
de trois sculpteurs polonais , par son financement
partagé entre lÉtat polonais et les organisations
juives américaines (comme lAmerican Jewish
Committee), par son utilisation éducative et son
insertion locale, ce mémorial est assurément le meillle
meilleur exemple de commémoration de la Shoah en Pologne
aujourdhui. » [6]
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Décembre
1941 : construction du camp. de mars à décembre 1942
: fonctionnement du camp de Belzec.
17 mars 1942 : 1er
transport de 1 400 Juifs du ghetto de Lublin. Il
ny eut aucune sélection, tous étaient
amenés à la douche directement.
Août 1942 : 132 00
Juifs de la région de Cracovie auraient été
gazés.
Octobre 1942 : visite
dHimmler qui ordonna de brûler les corps
et de détruire tous les baraquements.
Décembre 1942 : dernier
convoi.
1963 : 1er monument
érigé par le gouvernement communiste « aux
martyrs de lhitlérisme ».
18 janvier 1965 :
ouverture à Munich du procès Belzec. Joseph
Oberhauser, adjoint du 1er commandant du camp de
Belzec et inspecteur en chef des camps
dextermination de lAktion Reinhard,
Christian Wirth, fut le seul à comparaître.
1994 : plaque
commémorative aux victimes juives.
1995 : accords entre le
Comité des Juif américains et le gouvernement
polonais pour créer un monument à la mémoire
des disparus.
1997 : concours
darchitecture pour la construction du
monument et choix des trois jeunes sculpteurs
polonais : Andrzej Solyga, Zdzislaw Pidek et
Marcin Roszczyk.
1997-1998 : des fouilles
ont été menées pour déterminer
lemplacement des fosses et des
infrastructures du camp.
1997 : 2ème concours
architectural.
1999 : le Bundestag vote
un projet concret, celui de Peter Einseman.
2003-2004 : travaux de
construction.
12 mai 2005 : ouverture
du site au public.
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